S1E3 - Un trésor Linnorm, un nécrophage

[Myelin]

Extrait du livre « Le Loup et les Bergers »
Par Turham Ravensoar, Eclaireur de la Loge de Magnimar
RAPPORT TH-561-059


Ainsi Tara narra-t ’elle les journées précédant l’escalade des troubles.

Le 22 Rova (septembre) de l’an 4707 AR.
« Après avoir réclamé la récompense à l'aubergiste du Cerf Blanc pour la restitution du corps du malheureux Halfelin, Mad, Astal et moi-même avons célébré notre première quête au Dragon rouillé. Nous voilà promus aventuriers ! De vrais durs-à cuire. Je me plais à penser que nous formons une équipe formidable. Au programme de la soirée, vidage de chopes de bière et bras de fer! Le Nain excelle aux deux... Hélas, la joie s''estompe un peu alors qu'un garde envoyé par Bélor nous prévient du report de la cérémonie de remise des clefs : un incident fâcheux occupe les dirigeants de la petite cité. L'arrivée tardive d'Arannis confirme le fait. Il s'est passé quelque chose de grave, une menace plus sérieuse qu'une poignée de gobelins hirsutes semble peser sur le village. Il ne peut en dire plus avant d'être appelé par son maître Corthos pour préparer la journée de deuil prévue le lendemain à Pointesable.

Qu'à cela ne tienne ! Astal et Mad sont bien motivés pour poursuivre leur chasse au trésor, et je m’incruste sans vergogne dans cette nouvelle quête. Je vois bien qu’Astal doit faire contre mauvaise fortune, bon cœur : l'amertume de devoir diviser le magot potentiel est adoucie par la reconnaissance de mes talents de combattante (vu les mises en garde sur la dangerosité des alentours…). Ils me montrent la carte achetée chez Veznutt Parooh: un parchemin abîmé sur lequel est dessiné grossièrement l’arrière-pays de Pointesable, une croix indiquant l’emplacement d'un trésor enterré dans les Rocs par un barbare errant venu des Terres des Rois des Linnorms. Une inscription en hallit (la langue des peuples nordiques) précise « 100 pas au Nord depuis le cairn du Grand Ours ». En bas à droite, une empreinte à peine visible et une série de trous dans le parchemin ressemblent à une clé gravée d’un motif de linnorm. Je suis un peu perplexe quant à l'authenticité du document, mais l'enthousiasme d'Astal est contagieux.

Le 23 Rova (septembre) de l’an 4707 AR.
Après une bonne nuit de repos, Mad et Astal mettent en ordre leurs affaires... Les nouvelles pièces d'or trouvent leur planques respectives (la confiance règne !) et les restes de la harpie sont vendus à l'alchimiste Nisk Tander. Puis, je les suis chez le vieux sage Brodert Quink qu’ils souhaitent interroger à propos du « Rocher à la tête penchée ». Sans succès toutefois, le vieux les rabrouant en se flattant d'être historien, non géographe (NDLR : une petite pique innocente pour son ami Veznutt Parooh, sans doute). Mad en profite pour le questionner sur l’histoire du Découpeur et nous apprenons que Jervis Stoot était un pauvre bougre qui prétendait voir des oiseaux prisonniers dans les bois de construction et sculptait les poutres afin de libérer les volatiles. Que Jervis devienne soudainement le pire criminel depuis la création de Pointesable reste un mystère aux yeux de Brodert. (NDLR : avec le recul, la raison nous semble maintenant si évidente ! Que Desna pardonne dans sa grande bienveillance notre aveuglement d’alors !)
Sa vanité caressée dans le sens du poil, le vieux sage se lance avec délectation dans un discours sur l’empire du Thassilon. Il y est question des Seigneurs des runes, les puissants créateurs de la magie runique (NDLR : même si Brodert défend l'hypothèse que cette magie serait en fait transmise pour les dragons eux-mêmes, quelle hérésie !).
Il y est question du Phare de Pointesable comme d'une arme de guerre manœuvrée par des géants (NDLR : attention, pas des géants ordinaires, non. Des géants du Thassilon, aux corps ornés de runes magiques ! Les géants des géants en quelque sorte !).
Et il y est question des soubassements du Phare encore inexplorés car l'entrée est recouverte de tonnes et de tonnes de gravats. Qu’est-ce qui se cache dans les sous-sols de la ville ? Tous ces mystères font briller nos yeux et (NDLR : naïveté touchante) nous nous lançons dans une petite exploration autour de l'île du Phare à la recherche d’une entrée secrète. En vain.

Prenant congé du vieux Quink, nous partons avec Biquette sur la route de la Côte oubliée. Direction les monts à l’Est de l’Assiette du Diable, et un possible trésor nordique. Au niveau de la Fosse, l’ancien cimetière de Pointesable envahi par des goules, nous quittons la route et nous enfonçons dans un paysage de collines pierreuses. Marchant au hasard des sentiers, notre groupe se perd plusieurs heures jusqu’à ce qu’un sanglier jaillisse des broussailles. La bête déboule précipitamment mais chacun peut se placer hors de sa route pour le laisser filer. En réalité, le sanglier fuyait un groupe de trois gobelins, certainement des éclaireurs. La bataille contre les gobelins est brève grâce à nos choix tactiques. Mad et moi nous plaçons en tenaille des gobelins ayant survécu à notre volée de flèches tandis qu’Astal reste courageusement en arrière pour soutenir nos attaques. Je dois dire que le Nain m’impressionne. Désarmé de son épée courte, il parvient quand même à planter sa dague dans le ventre du gobelin sans sourciller ! Seule l’apparition d’un serpent gobelin en fin de combat sème le trouble un instant, jusqu’à ce que mes attaques tranchent le reptile en deux. La fouille des gobelins rapporte peu de pièces. Et comme à leur habitudes, Mad et Astal récupèrent la dépouille de la bête pour la vendre plus tard. La jeune barde lance ses derniers sorts pour soigner ses blessures et celle de notre compagnon.
Reprenant nos pérégrinations dans ce paysage aride truffé de tombes varisiennes antiques, nous finissons par identifier un cairn isolé, posé sur une pierre plate et évoquant vaguement la silhouette d’un grand ours. Mad prend alors les choses en mains - ou en pieds, si je puis dire. Il compte 100 pas au Nord en faisant de grandes enjambées, non sans vérifier l’absence de pièges sur le chemin. Il est suivi par Astal qui traine encore Biquette, pendant que je les accompagne à une distance respectable sur leur droite. Tout excités par l’identification d’une aura magique au site adéquat (la carte était donc bien authentique !), aucun de nous ne perçoit l’arrivée d’une très vile et malodorante créature : un nécrophage ! Quelle horreur ! Je n’ai jamais vu de chose si répugnante ! Il s’en est fallu de peu qu’Astal ne succombe aux attaques du monstre et ne devienne elle-même nécrophage. Sans doute l’ignorance du danger réel lui a-t ’elle évité de paniquer complètement. Mais il est fort à parier que l’infortunée demi-Elfe gardera longtemps la sensation de sa vitalité aspirée hors de son corps ! Les fioles d’eau bénite dont nous disposions (béni soit le Prêtre Zanthus !) se sont avérées très utiles. Mais pas autant que mes deux armes chéries, je dois bien humblement le reconnaitre !
Une fois le combat terminé, Mad s’échine à dégager le coffre avec un pied de biche. Il descelle les blocs de pierre et creuse la terre. Nous voyons émerveillés un grand coffre en métal émerger peu à peu. Affaiblie et emmitouflée dans la couverture d’hiver de Mad, Astal confirme que c’est bien là la source de magie. S’en suit alors un temps atrocement long pour tenter d’ouvrir le coffre. Rien n’y fait et Mad casse même un de ses outils. Je l’entends s’étonner et râler. Jurer en nain peut-être. Mais le temps presse car nous ne voulons pas faire la route de nuit.

Nous chargeons donc le coffre sur la précieuse Biquette (qui devient encore plus précieuse à nos yeux !) et nous rentrons sans détours. Peut-être aurions nous dû recouvrir le coffre d’une couverture car notre arrivée n’est pas très discrète. Nous nous regroupons dans la chambre que je partage avec Astal, pour garder le coffre. La jeune Barde est toujours choquée. La servante Bethana nous amène un plateau de victuailles et dit quelque chose à propos d’un certain Aldern : il serait marié, il est parti pour Magnimar, il s’excuse de ne pas faire la chasse au sanglier… Je ne comprends pas trop de quoi il est question. Astal s’endort rapidement et Mad et moi veillons sur le coffre.

Le 24 Rova (septembre) de l’an 4707 AR.
Au matin, nous décidons d’ouvrir le coffre en faisant sauter la serrure avec le pied de biche. Nous attachons une corde au couvercle puis passons la corde sur une poutre pour faire levier - avec le recul, cette surenchère de précautions me fait sourire avec tendresse. De loin, nous ouvrons le coffre. La tension est à son comble ! A l’intérieur, nul piège ni gaz mortel. Nous découvrons des pièces d’or et d’argent, des pièces d’argenterie ternie et un ceinturon magique. Après le partage équitable des pièces, nous vendons l’argenterie antique à un ami de Mad, le brasseur Gaven Déverin, qui offrira ce présent au mariage de sa cousine (notre première tentative de revente au Bazar de l’exécrable Ven Vinder s’étant avérée vaine).
C’est à la boutique du Serpent à plumes que nous chargeons Vorvashali Voon d’identifier le ceinturon et une baguette magique récupérée sur le corps d’un gobelin chaman trois jours plus tôt (déjà trois jours que cette maudite attaque a eu lieu !). Nous gardons le ceinturon de constitution (Astal le prend car elle est la plus faible de nous trois) mais revendons la baguette d’illusion. Quant aux inscriptions sur le médaillon halfelin trouvé hier, Voon les identifie comme une bénédiction à Desna. Astal se charge alors de laisser le médaillon en offrande à la Cathédrale.
Pour finir, le serpent gobelin est vendu à Aliver "Cloporte" Podiker, l’herboriste spécialisé en potions qui tient la boutique « Le Garde-manger du Cloporte » (je n’aime pas cet homme obséquieux qui inspire davantage le dégout que la confiance). Et Mad, loyal à sa promesse, informe Veznutt de l’authenticité de la carte. Le gnome est aux anges, même s’il regrette la destruction de la serrure. Flûte, se pourrait-il que la clef soit cachée près du cairn ?

L’esprit léger et les bourses pleines de pièces sonnantes et trébuchantes, nous rentrons à l’auberge. Nous sommes accueillis par un Arannis furieux : « Où étiez-vous passés ? Les notables nous attendent pour la cérémonie des clefs ! ». Mince, on avait complètement oublié ça ! « D’abord, asseyez-vous, j’ai quelque chose d’important à vous apprendre. ». Son ton est froid comme le téton d’une sorcière, nous obéissons sans bruit… »